Berbère Boucherouite 8'6" x 7'11"
Les Tapis Marocains
Tapis berbères
On peut remonter à très loin pour estimer les débuts du tapis berbère ainsi que l'origine et la signification de ses motifs. Il ne descend pas des tapis d'Orient bien connus de l'ère islamique, mais la similitude de la technique du nouage et de certains motifs indique des racines communes qui remontent probablement au néolithique d'Asie Mineure. A l'écart des grandes civilisations de l'Antiquité et loin des échanges culturels de la Route de la Soie, le tapis berbère, dans les régions montagneuses de l'Atlas et les plaines atlantiques, a gardé son originalité. On peut donc rechercher une explication des symboles à partir de leurs origines respectives. Mais puisque les textiles ne résistent pas à l'usure du temps et qu'il n'y a donc pas de chaînes de pièces probantes à travers les siècles et les millénaires, on ne peut s’appuyer que sur le résultat d'études comparatives approfondies.
Quand on compare les motifs du tapis berbère à des signes de l'art pariétal et à des artefacts des premières cultures de l'homme, on y retrouve les mêmes principes dans l'emploi des signes et des formes et on y découvre d’étonnantes ressemblances et correspondances. On y retrouve même des phénomènes du paléolithique supérieur de l'Europe ainsi que du néolithique d'Orient et du bassin méditerranéen. De ce fait, le tapis berbère peut possiblement être considéré comme le dernier témoignage de ce monde archaïque. On peut documenter cette comparaison avec l’art pariétal, mais aussi utiliser l'analyse détaillée de documents d'autres domaines des sciences : art rupestre, statuaire, céramique, architecture, linguistique etc.
Quoi qu’il en soit, le langage abstrait et géométrique du tapis berbère est dérivé à l'origine du corps, de la forme et des fonctions des organes sexuels humains. Fondé sur la dualité et la rencontre des deux sexes, il devient l'expression d'une magie de la fertilité universelle, incluant toute la nature. Création artistique de la femme berbère, son tapis reflète avant tout les phases de sa vie et l'expérience de sa vie sexuelle : comme vierge, comme nouvelle mariée, l'union avec l'homme, la grossesse et l'enfantement.
On retrouve des indices de l’ancienneté des tapis à des époques plus tardives, comme par exemple Al-Idrisi un peu avant le milieu du 12e siècle, ou bien Ibn Saïd et al-Saqoundi dans la première moitié du 13e siècle. Ces derniers signalent la qualité des laines produites à Chinchilla et l’excellence de facture des tapis réalisés à Murcia, Baza, Grenade. Au même moment, les chroniqueurs marocains soulignent la beauté des tapis ou encore des tentures murales (hanbel), tapis à poils ras, et la place que cette production occupe au Maroc. Il est probable que certains tissages régionaux, bien que non attestés durant le haut Moyen Age, soient déjà observés, à l’instar d’autres industries comme par exemple celle de la céramique.
Au Moyen-âge, le tapis figure parmi les cadeaux remportés par les ambassades étrangères, ou bien dans l’apparat d’une caravane princière, où l’on voit sur les chameaux des tissus en soie et en fil d’or et des tapis (zarabi) d’une beauté sans égal.
Au 16e siècle, Jean Léon l’Africain précise que le tapis fait partie du trousseau de la mariée de Fès : « On donne encore un tapis à laine longue d’une vingtaine de coudées et trois couvertures dont l'une des faces est un drap... ». Les tapis, nous dit-il également, sont vendus aux enchères à Fès et exportés, notamment vers l’Afrique Noire. Ils sont renommés pour leur finesse dans les majestueuses qoubba, centres d'ablutions pour les croyants se rendant à la mosquée. Les chroniqueurs des 18e et 19e siècles se réfèrent souvent à cette production.
Le tapis est un cadeau de choix, et au 19e siècle, le tapis marocain est l’un des produits les plus exportés vers l’Europe. Ainsi on le retrouve très présent en France, lors des expositions universelles de 1867, 1878 et 1889. A la fin du 19e siècle et au début du 20e, le tissage du tapis, si l’on en croit Prosper Ricard, est une activité très présente dans presque toutes les villes marocaines.
Au Maroc, les plus anciens tapis conservés remontent au 18e siècle : celui de Chiadma, par exemple, est daté avec exactitude (1202h/1787J.C.). Pour le 19e siècle, la plupart de ceux qu’on conserve sont des tapis de Rabat.
Au 20e siècle l’industrie du tapis se transforme, avec l’intervention par exemple du Service des Arts indigènes, et la rédaction d’un répertoire, incomplet mais précieux. Les spécimens anciens se trouvent encore dans certains musées marocains - le Musée des Oudayas à Rabat, Dar Batha à Fés, Dar Si Saïd à Marrakech.
Par ailleurs, des ateliers expérimentaux ont été installés dans certaines villes, notamment à Rabat, et des techniques, nouvelles ou renouvelées, de fabrication et de teinture ont été étudiées et mises en application. Ces ateliers élaboraient des maquettes d’anciennes pièces et préparaient des couleurs végétales conformément aux recettes traditionnelles. Ces produits, mis ensuite à la disposition des tisseuses de Rabat, des régions de Meknès et de Marrakech, ont permis d’obtenir des tapis fidèles aux anciens modèles.
Doublées par l’organisation d’un réseau commercial efficace, ces dispositions ont eu pour effet d’arrêter la diffusion des couleurs chimiques. La standardisation qui en résulta, pour les tapis de Rabat en particulier, a été ensuite combattue, dans les années 1940, par la création de coopératives. La multiplication des centres de fabrication à travers le pays, depuis l’Indépendance, a ainsi fait apparaître de nouveaux genres de tapis comme ceux de Fès, de Boujaïd, etc.
Sources et inspiration : BÉRINSTAIN, Valérie, et al. L'art du tapis dans le monde, Paris, Mengès, 1996, 378 p. ; JERREHIAN JR., Aram K. A. Oriental Rug Primer, Philadelphie, Running Press, 1980, 223 p. ; HERBERT, Janice Summers. Oriental Rugs, New York, Macmillan, 1982, 176 p. ; HACKMACK, Adolf. Chinese Carpets And Rugs, Rutland et Tokyo, Tuttle, 1980, 45 p. ; DE MOUBRAY, Amicia. et David BLACK. Carpets for the home, London, Laurence King Publishing, 1999, 224 p. ; JACOBSEN, Charles. Oriental Rugs A Complete Guide, Rutland et Tokyo, Tuttle, 1962, 479 p. ; BASHIR, Shuja. communication personnelle, s.d. ; Sources de sites web et dates de consultation variées (à être confirmées). Utilisé sous toutes réserves.
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